La bataille de Timimoun
1957 - 17 Octobre : Un groupe de méharistes « travaillé » depuis plusieurs mois par des fellaghas du F.L.N-A.L.N de la région sud et stationné entre Timimoun et El-Goléa, au lieu dit Hassi Sakka désertent des rangs de l’Armée française après avoir éliminé les huit officiers et sous-officiers français qui les commandaient.
1957 - 7 Novembre : les méharistes intégrés dans l’A.L.N réapparaissent soudainement et portent une attaque foudroyante contre le convoi d’une société pétrolière entre Timimoun et El-Goléa
Les 5 légionnaires chargés de la protection de la base pétrolière surpris sont faits prisonniers. 7 ingénieurs de la société pétrolière et tous les ouvriers civils du camp sont eux aussi faits prisonniers. Les armes des militaires sont récupérées, du matériel et des approvisionnements sont saisis, les véhicules incendiés.
Panique dans les milieux pétroliers et dans la presse : Paris-Match rapporte : « Sahara : l'attaque de la colonne pétrole » - l’Echo d’Alger avertit : les Compagnies de recherches pétrolières demandent la protection de l’Armée.
Aussi, il fut décidé de porter un grand coup. Robert Lacoste décide d’une intervention spectaculaire, « pour éviter le pourrissement de la situation » et rechercher les Fellaghas.
On fait appel à l’un des plus prestigieux officier français, le lieutenant-colonel Bigeard et ses paras du 3e R.P.C.
Dans ses mémoires, le Général Bigeard se rappelle : « je reçus un message urgent du Général Salan : «Vous avez pleins pouvoirs ! Vous avez carte blanche ! Il faut créer le choc nécessaire et impératif suite à cette attaque des pétroliers. Trouver et éliminer les méharistes déserteurs par tous les moyens ! » ». On mit à la disposition du colonel Bigeard, commandant du 3e R.P.C., tous les moyens matériels et humains pour mener à bien sa mission. Le 3e R.P.C est aérotransporté à partir de Blida à Timimoun via Colomb-Béchar par une vingtaine de N 2501. Trois N-2501, trois JU-52 et une douzaine d'hélicoptères. Pas moins de 1570 parachutistes parfaitement entraînés et équipés, des unités de la Légion Étrangère, une multitude de véhicules de transport adaptés au milieu saharien.
Le 13 novembre, suivant les instructions du Général Salan,le Colonel Bigeard débarque à Timimoun , « un point de verdure dans ces immensités désertiques, très belle oasis… mais malheureusement ce n’est pas le moment d’apprécier ces sites magnifiques » note-t-il dans ses mémoires.
Le 14 novembre, Bigeard prend ses quartiers à Timimoun.
Le 15 novembre au soir : le Colonel Bigeard ayant reçu les moyens promis, commença le travail de recherche. « Comment trouver les rebelles déserteurs dans ces immensités désertiques hostiles, dans cet océan-mer de dunes, avec une chaleur insupportable, les tempêtes de sable, le manque d’eau ? » écrit-il dans ses mémoires.
Les unités de commandos, les avions et les hélicoptères quadrillent toutes la région autour de Timimoun. Le 3e R.P.C travaille en collaboration avec le général Katz et le1er R.E.P. sous les ordres du Colonel Jeanpierre dans la région de El-Goléa.
Le 20 novembre : Un travail de fourmi qui consiste en collecte de renseignements, leur vérification , leur recoupement permit l’arrestation de 90 personnes à Timimoun et la récupération de 32 armes.
Le 21 novembre : Enfin, le groupe des méharistes A.L.N est repéré à Hassi Rambou. Aussitôt, c’est le branle-bas de combat : toutes les forces sont dirigés sur ce point .Le centre de radio de Timimoun est chargé de recevoir et de transmettre à la minute près l’évolution de la situation aux « autorités supérieures » à Alger et à Paris.
1957 - 21 novembre : La Bataille de Timimoun, au Sahara, se solde par 45 rebelles tués, 6 prisonniers, et 12 morts parmis les soldats français.
Ci-dessous, la version du sergent Raymond Cloarec, de la section du lieutenant Roher, adjoint le sergent-chef Sentenac :
« Quand René Sentenac fut touché, j'étais à ses côtés. Le Lieutenant Roher, en bas, essayait de venir vers nous en faisant gaffe car ça tirait de partout.
Aussitôt je descends Sentenac en bas de la dune pour le mettre à l’abri des tirs.
Et là Sentenac me dit :
- Clo Clo laisse moi c'est la fin… occupe toi des gus… du reste de la section… car les fellouzes sont derrière les dunes.
Il avait tout vu avant de tomber. Il s'est retrouvé face à un tireur d'élite qui avait un fusil à lunette et qui a eu Sentenac. Moi il m'a loupé. La balle n'est pas passée loin. Sentenac souffrait terriblement. Je dis à l'infirmier Roland Fialon :
- Fais lui une piqûre de morphine.
A cet instant le radio Rock me crie :
- Sergent le lieutenant est tombé.
Il s’agit du Lieutenant Roher, le chef de la section.
- Je dis à Fialon d’aller vite voir le lieutenant.
Il est mort sur le coup. Mais Fialon au lieu de tirer le corps du lieutenant vers le bas comme je l’ai fait pour Sentenac et nous protéger ainsi des coups de feux, resta à cheval sur la dune pour le dégrafer, et là, dans la minute, le même tireur lui logea une balle dans la carotide le tuant sur le coup. Le tireur était un adjudant de l'armée française qui s’était enterré, caché dans le sable. Et nous ne le voyons pas, Sentenac l'avait vu. Pas moi. Devant, derrière les dunes, tous les méharistes déserteurs. Je n'ai pas voulu quitter Sentenac de peur qu'on vienne l'achever. J'aurais préféré crever avec lui. Mais en attendant les ordres de ‘Bruno’ Bigeard, il n'y avait plus de chef. J'étais l'adjoint de Sentenac qui a continué à me parler, en particulier de son fils qui avait 6 ans et de son épouse, avant de sombrer dans le coma.
Nos armes automatiques étaient enrayées par le sable ; autour de nous, des morts et des blessés graves cloués au sol par le tir ennemi. Avec le radio Rock, nous avons essayé de joindre le colonel Bigeard avec le poste de radio SCR 300 par l'intermédiaire du Piper. Non sans mal, la liaison fut établie :
- De Bruno… m’entendez vous… parlez...
- 5 sur 5 Bruno.
Et je lui explique la situation. Voici ses ordres :
- Bruno à 31 (notre indicatif). Faites Nettoyer vos armes deux par deux et faites placer sur le sol vos panneaux fluorescents sur vos musettes car le piper n'arrive pas à vous situer par rapport aux fellouzes. Ils sont tout autour de vous. Restez en défensive. Utilisez vos grenades et vos lances grenades. Ne bougez plus. Gardez les corps et les blessés. Je vais faire venir un barlu Mammouth (Hélicoptère lourd Sikorski équipé d'une mitrailleuse 12 m/m 7 de gros calibre) pour éviter l'assaut des rebelles et en attendant le parachutage au nord de votre position de la 4e compagnie du capitaine Douceur. Nous allons avec votre aide essayer de les coincer en tenaille. Tenez bon et Bonne Chance. »
Selon la version du sergent Raymond Cloarec, le Lieutenant Roher aurait semé la compagnie en accélérant le mouvement des hommes de sa section. Il avait fait couper la liaison radio. Le capitaine De Llamby , ne cessait pas de hurler des ordres afin de faire ralentir le mouvement pour effectuer un regroupement des autres éléments qui ne suivait plus la cadence de marche commando que faisait subir le lieutenant en tête de la progression. Il souhaitait accrocher le premier comme il n'arrêtait pas de le dire. Il allait en tête contre la réprobation de Sentenac qui voyait le danger de l’action à se retrouver isolés en cas d’accrochage en tombant sur un effectif important.
Toujours avec cette référence de 'Timimoun', le souvenir vivace que le général Marcel Bigeard indicatif 'Bruno' garde en lui, car Sentenac, depuis Dien Bien Phu, n'a jamais été oublié, fidèle à sa mémoire, ce souvenir est partagé aussi fidèlement avec Raymond Cloarec dit 'Cloclo'.